Mathieu HAULBERT disparu en juin 1983 - Un des plus vieux cold cases français

 


Mathieu HAULBERT disparu en juin 1983 -

 Un des plus vieux cold cases français -

Castellane - Peyroules

Alpes-de-Haute-Provence-   


                              Un voisin, une secte, un tueur en série ? 


                              Un enfant de dix ans ne peut pas disparaître purement et simplement



               Un article de Jeanne NICOLLE-ANNIC dans OUEST FRANCE
Ouest-France Jeanne NICOLLE-ANNIC.  Modifié le 25/06/2023 à 12h01 Publié le 12/05/2023 à 7h00

L’affaire Mathieu Haulbert , irrésolue depuis 40 ans.  C’est l’un des plus vieux cold cases français :
 la disparition de Mathieu Haulbert , dix ans, aux abords de Castellane (Alpes-de-Haute-Provence) en juin 1983. En quarante ans, un voisin a été jugé puis acquitté, la piste de l’enlèvement par une secte a été soulevée et celle d’un tueur en série interroge toujours.
 Depuis quelques semaines, l’enquête est confiée au pôle cold cases de Nanterre.

Récit. Quand ils pénètrent dans le restaurant bondé de Castellane, ce mercredi de février 2023, les touristes continuent bruyamment leurs conversations mais les habitués se retournent vers eux, même quarante ans après. Philippe Haulbert n’a plus les cheveux longs mais coupés court et blancs. Sa femme, Lise, a toujours les yeux d’un bleu perçant mais des rides sont apparues sur leurs contours. Ils sont les parents du petit Mathieu, 10 ans depuis 40 ans, disparu au début des années 1980.
Plus tard, la patronne de l’hôtel et restaurant nous confiera derrière son comptoir :

« Tout le monde s’en rappelle, ici. »
 

 En l’espace de quelques centaines de mètres, Mathieu s’est volatilisé
C’était en 1983. Ce samedi 25 juin, peu après 14 h 30, le soleil de Provence cogne sur la fameuse route Napoléon et sur sa portion de RN 85 bordée de pins et de montagnes. Un petit garçon marche sur le bas-côté. Il est habillé d’une salopette, chapeau vissé sur la tête. Ses parents l’ont autorisé pour la première fois à rejoindre seul un berger du coin, Robert Ricard, pour une transhumance. Il doit y retrouver un camarade et y passer la nuit. Mathieu est parti quelques dizaines de minutes plus tôt du domicile familial, au hameau de la Bâtie-de-Peyroules, pour rallier la ferme située au lieu-dit des Clarnes, à quelques encablures de Castellane. Après avoir quitté le terrain familial, il parcourt quelques centaines de mètres, pose son vélo contre un abri en pierres ainsi qu’un fouet qu’il avait sans doute confectionné pour guider les moutons, emprunte la route, dit bonjour à une amie de la famille et lui indique qu’il se rend à un anniversaire. Il commence à grimper en direction du col de Luens où un garagiste pense l’avoir aperçu. Cinq cents mètres plus loin sur la route, six marchands de fossiles sont installés pour la journée en bordure de la nationale. Ils disent n’avoir jamais vu Mathieu passer.
En l’espace de quelques centaines de mètres, l’enfant s’est volatilisé.
 
« On n’a jamais été accepté »
 

Mathieu a disparu alors qu’il marchait sur le bas-côté de la route Napoléon, au niveau du col de Luens.
 Près de 40 ans plus tard, « l’affaire Haulbert » hante toujours Castellane, ravissante commune d’environ 1 500 habitants à l’année et sous-préfecture la moins peuplée de France. Située aux portes des gorges du Verdon, elle est assaillie par les touristes l’été. L’hiver, les jours de semaine ressemblent à des dimanches. Les nombreuses devantures de boutique de location de matériel de canyoning, pratique prisée dans la région, sont fermées jusqu’aux beaux jours. La chapelle Notre-Dame-du-Roc, située en surplomb, surveille la torpeur de la ville.
Les Haulbert nous avaient prévenus. Dans le coin, on est plutôt taiseux.
Quand on interroge un groupe d’hommes aux tempes grisonnantes, rencontrés à l’Étape, un des seuls bars ouverts ce mercredi matin de février, impossible d’apprendre quelque chose de nouveau sur l’affaire.
Oui, bien sûr, ils voient bien qui sont Lise et Philippe Haulbert , et oui, ils connaissent l’histoire de la disparition de Mathieu. Ils évoquent également Georges Laugier, l’enfant du pays, un temps suspect numéro un. Ils n’en diront pas plus. Lise et Philippe Haulbert ne sont pas du sérail.
Les Parisiens, qui travaillaient respectivement au Conservatoire national des arts et métiers et comme programmeur informatique venaient régulièrement en vadrouille dans le Verdon. « Et la région nous plaisait tellement qu’on a décidé de changer de vie » retrace Philippe Haulbert . Ils s’installent avec le petit Mathieu, portés par le mouvement de retour à la terre qui a marqué la France dans les années 1970. Ils trouvent la parcelle de la Bâtie à Peyroules située à quelques kilomètres de Castellane. Ils cumulent activités agricoles et chantiers. « Petit à petit, après des travaux de maçonnerie, puis une première, une deuxième et une troisième vache, on a fini par s’installer. » Les dernières heures Autour de la table en bois de la véranda, le couple décortique chacune des dernières heures passées avec Mathieu, le samedi 25 juin 1983.
La veille de sa disparition, dans la soirée, Philippe et lui se rendent à un tournoi de ping-pong à Castellane. Le petit garçon part ensuite jouer avec des enfants de son âge et tarde à revenir. L’inquiétude Lise et Philippe Haulbert  monte, jusqu’à ce qu’une trentaine de minutes plus tard, Mathieu réapparaisse. « Il discutait avec un gars qui faisait le tour d’Europe à vélo », raconte son père. Le lendemain, pendant que Mathieu doit rejoindre la transhumance, les parents Haulbert travaillent sur un chantier à Peyroules.
En rentrant sur les coups de 19 h, Lise appelle à plusieurs reprises le berger Robert Ricard pour avoir des nouvelles. L’homme décroche finalement et, surpris, annonce que Mathieu n’est jamais arrivé jusqu’à sa ferme. Le berger ne s’était pas inquiété outre mesure : les parents de Mathieu étaient passés le voir vers midi, ce samedi, pour lui dire qu’ils n’étaient pas certains que le petit garçon le rejoigne. Philippe , lui, discute pendant ce temps-là avec Georges Laugier, un voisin, à quelques pas de la maison. « On a tout de suite su que c’était quelque chose de grave » La nuit tombe et Mathieu n’est pas rentré. Le voisin leur propose immédiatement de se rendre en voiture au lieu de rendez-vous que devait rallier Mathieu. Ils se rendent ensuite à la gendarmerie de Castellane, quelques centaines de mètres plus bas, pour signaler la disparition. Des recherches sont lancées directement avec la sécurité civile, les pompiers et un chien pisteur. Des habitants du coin se joignent aux fouilles, sans succès. Le dimanche, une demande de diffusion nationale est transmise par la gendarmerie.
Le lundi, un fort orage éclate sur la région et contraint à l’arrêt des recherches durant trois jours. Toujours aucune trace de l’enfant. « On a tout de suite su que ce n’était pas une fugue, que c’était quelque chose d’inquiétant, quelque chose de grave », se souvient Philippe Haulbert . L’enquête est ouverte pour disparition d’enfant. Le 1er juillet, une information est ouverte pour « enlèvement par fraude ou violences d’un mineur de moins de 15 ans ».
 « On laisse tout tomber, on court »
Comme souvent dans les disparitions d’enfants, les gendarmes s’intéressent au couple Haulbert . « Ils pensaient qu’on n’était pas très clairs par rapport à notre situation. Quand nous nous sommes installés ici, nos conditions étaient assez précaires. Nous étions considérés comme des marginaux », retrace Philippe Haulbert . « On était des hippies », ironise sa femme. La greffe ne prend pas vraiment non plus avec les gens du coin. « On n’a jamais été accepté », assure Philippe Haulbert .
 Le samedi 9 juillet 1983, alors que Lise et Philippe sont dehors, en train de faire du foin, le téléphone sonne. Une sœur de Lise, présente au domicile du couple, décroche. Dans le combiné elle entend une voix d’enfant dire : « Allô, c’est Mathieu. » « On laisse tout tomber et on court », revit Philippe Haulbert . Mais entre-temps, l’interlocuteur a raccroché. « J’ai téléphoné directement à la brigade ». Les gendarmes préfèrent attendre l’arrivée du juge d’instruction, le lundi suivant, raconte Philippe Haulbert . Arrive le début de semaine et le juge ne semble pas faire de l’appel une priorité, raconte le père de Mathieu. « À tel point que j’ai fini par péter les plombs. Je suis allé à la brigade et je suis rentré de force dans son bureau. À partir de là, c’était terminé. Plus personne ne nous parlait. »
« Regardez bien ce visage »
Philippe Haulbert pointe sur une carte les endroits d’intérêts dans l’enquête sur la disparition de son fils, Mathieu.
 Quelques jours plus tard, le 22 juillet, deux femmes, vendeuses dans une chocolaterie de Cannes, voient entrer dans la boutique un enfant accompagné d’un homme au comportement inquiétant. Le petit garçon semble mal à l’aise. Quelques heures plus tard, l’une des deux femmes prend le bus et voit le portrait de Mathieu diffusé dans la région. Elle est persuadée de reconnaître l’enfant venu plus tôt dans sa boutique. Elle est entendue par les gendarmes de Digne. Rien n’en ressort de concluant. « À l’époque, rien n’était mis en place lors des disparitions d’enfants. Il n’y avait pas d’affiches aux frontières, Il n’y avait rien, rien, rien et personne n’était prévenu », raconte Lise Haulbert . Pour ne pas laisser la disparition de Mathieu s’ajouter à la liste des faits divers oubliés, sa famille crée une association, SOS-Enfants disparus, avec la famille de John Berte, disparu lui à Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes) en novembre 1982. Ils entrent en contact avec France Rail, qui affiche le visage de Mathieu dans les gares et les stations de métro à travers l’hexagone. « Regardez bien ce visage, gravez ses traits dans votre mémoire », implore le texte, suivi d’un numéro de téléphone. Il y aura bien une tonne de courriers, des appels, des pistes, fantaisistes parfois, mais aucun élément concluant.
 
 « Pourquoi demander un alibi quand on n’a rien à se reprocher ? »
 
En mai 1987, l’enquête prend un nouveau tournant. Le dossier est confié par Jean-Louis Hérail, juge d’instruction de Digne-les-Bains, à la Section de recherche d’Aix-enProvence. Deux officiers de police judiciaire commencent alors à travailler en binôme  sur le dossier irrésolu : Léopold Dol et Hervé Leclerc.  

Nota précision ajoutée à cet article : Ce binôme va enquêter du 3 mars 1987 au 31 mai 1988, main dans la main. Le 1er juin 1988 promu adjudant Hervé Leclerc a été muté dans une autre unité. Il n'aura plus accès à la procédure avant janvier 1992 pour les assises !- Le gendarme DOL se voit affecté à une autre enquête dans le même service.

L'enquête qui se trouve donc décapitée est reprise selon ce qui est écrit dans une procédure par le major Bernard Gonzalez et selon les pièces de cette procédure par le mdl/chef Bodet Evelyn jusqu'à la clôture en décembre 1988.

Le procès-verbal de synthèse est lui au nom du chef d'escadron Loïc Cormier, commandant la SR aixoise qui en signant le document, se déclare directeur de l'ensemble de l'enquête.
Cet additif revêt une particulière importance et ne doit pas être perdu de vue notamment pour les dates 31 mars 1987 au 31 mai 1988 et ensuite du 1er juin 1988 à la fin décembre 1988
)

Ils examinent plusieurs pistes, dont la fugue, l’enlèvement, ou encore l’accident. Et les enquêteurs, avec leur regard nouveau, trouvent que quelque chose ne colle pas dans l’alibi qu’a fourni Georges Laugier au moment de la disparition de Mathieu. Jusqu’alors son ami Christian Maréchal, garagiste à Cannes, régulièrement de passage dans la région, affirmait qu’il était avec lui à Peyroules au moment où le petit garçon a disparu. Léopold Dol, désormais chef d’escadron honoraire, raconte à Ouest-France : « C’est moi qui ai percuté, parce qu’il disait qu’ils jouaient aux boules ensemble à ce moment-là. En début d’après-midi, en plein soleil. Alors je suis allée au même endroit, sur la place, et j’ai vu qu’il n’y avait pas un brin d’ombre, aucun moyen de jouer. Quelque chose clochait. »( A 1 en dessous de l'article )
En prenant connaissance des pièces de procédures datant des premiers mois d’enquête, les gendarmes de la Section de recherche d’Aix remarquent que des témoins ont vu passer Laugier dans sa DS bleue sur l’itinéraire emprunté par Mathieu à l’heure à laquelle il était censé se trouver avec Maréchal. Le 16 mai 1988, Georges Laugier et Christian Maréchal sont interpellés et placés en garde à vue. La version de ce dernier change. Laugier n’était pas avec lui au moment où Mathieu a disparu. De plus, le dimanche 26 juin 1983, au lendemain de la disparition, son ami lui aurait demandé avec une attitude menaçante de lui fournir un alibi pour la veille. « C’est ce qui fait de Laugier un suspect idéal : pourquoi demander un alibi quand on n’a rien à se reprocher ? » commente Bernard Gonzales, à l’époque capitaine de gendarmerie, qui participera à l’enquête. Au même moment, Georges Laugier est en garde à vue face à Léopold Dol. Ce dernier passe 48 heures face à un homme qui ne parle presque pas. « Un ours du coin, qui vivait comme un vieux célibataire dans sa maison de campagne, insensible », décrit l’ancien membre de la section de recherche. Laugier admettra finalement s’être trouvé sur la route Napoléon en même temps que Mathieu. « Pendant le créneau durant lequel l’enfant devait se trouver sur son itinéraire, Laugier y était également », résume Bernard Gonzales. Mais le suspect assure ne pas avoir vu Mathieu et n’avoir rien à voir avec sa disparition.
Un cheveu, un pansement, mais pas d’ADN D’autres éléments s’accumulent.
En décembre 1987, après la saisie de la DS bleue de Laugier, une boîte de rustines de vélo, des cheveux blonds, ainsi qu’un pansement taché de sang sont retrouvés dans le coffre par les experts. « Or il faut savoir que Mathieu, juste avant sa disparition s’était blessé à un doigt et sa mère nous avait dit qu’elle lui  avait fait un pansement », détaille Gérard Gonzales. Aucun ADN ne peut être extrait du pansement ou des cheveux.
Fin mai 1988, les gendarmes, à l’aide d’une pelleteuse, creusent le sol d’une dépendance de sa maison, pour laquelle il avait coulé une chape de béton après la disparition de Mathieu. Sans succès. Au troisième jour des fouilles, le suspect tente de mettre fin à ses jours en se coupant les veines.
Les chocolatières sont réentendues par la Section de recherche d’Aix. On les soumet à un « tapissage », une technique consistant à montrer aux témoins un échantillon de photos d’hommes, parmi lesquelles sont glissées des personnes jugées dignes d’intérêt dans une enquête. Cette fois-ci, elles reconnaissent Christian Maréchal, le garagiste de Cannes. Tous ces éléments forment « un faisceau de présomptions non négligeables », selon l’expression de Bernard Gonzales, sans toutefois prouver la culpabilité de Georges Laugier, qui sort après quinze mois de détention provisoire en septembre 1989. « Quand il a été libéré, ça a été l’hystérie. On était vraiment en première ligne, traités comme des accusateurs, des salauds. Là, ça a été vraiment dur », affirme Philippe Haulbert . Bernard Gonzales note : « Vous savez, c’est une région un peu particulière. Les gens sont assez frustes. C’est vrai qu’il est difficile de se faire accepter.
Les époux Haulbert ont subi cette ambiance. Les gens avaient plutôt tendance à prendre fait et cause pour Laugier plutôt que pour les parents. » Une atmosphère pesante pour le couple. La maison de Laugier, celle des Haulbert , le terrain de jeu de boules, le col de Luens, la gendarmerie de Castellane… Les endroits clés de l’enquête tiennent dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres, un mouchoir de poche.
« Acquitté »
En janvier 1992 vient le temps du procès, qui se déroule à la Cour d’assises des Alpes de-Haute-Provence. Les Haulbert sont défendus par Me Philippe Lemaire, George Laugier par Dominique Bayetti et Gilbert Collard.
Un procès pour meurtre sans corps, ni mobile, ni aveux.
Cinq jours d’audience durant laquelle flotte un malaise.
Christian Maréchal fait des déclarations qui semblent contradictoires, comme le note Dominique Conil, journaliste pour Libération, qui le cite dans son récit du procès : «« monsieur le président, je suis loin de penser que Laugier est coupable »», dit-il encore. Mais il dit aussi : « En 85,  Laugier m’a dit : pour le petit Mathieu, je suis dans le coup. Tu ne changes rien à ce que tu as dit. »
Il dit avoir subi la pression des gendarmes durant son interrogatoire. Georges Laugier nie toujours.
Il ne donne que peu de réponses, justifie son faux alibi par la peur. Mais même face à ces silences, les éléments à charge du dossier ne pèsent pas lourd. Le sang retrouvé sur le pansement est de groupe O : le groupe de Mathieu, certes, mais également celui de l’accusé. Lors de la dernière journée d’audience, coup de théâtre. « Tout s’est joué à un cheveu », ironise Gilbert Collard. La veille, Loïc le Ribault, expert judiciaire en microanalyse, était venu déposer devant la cour et présenter ses conclusions quant au cheveu blond retrouvé dans la voiture de l’accusé. Après l’avoir comparé à d’autres retrouvés sur le pull du petit garçon, il avait conclu que celui-ci pouvait vraisemblablement appartenir à Mathieu. « En rentrant chez lui, l’expert écoute Radio Monte-Carlo et le chroniqueur judiciaire de la station raconte que la mère de la victime avait été conduite par Laugier dans son véhicule » retrace l’avocat et eurodéputé élu sous l’étiquette du Rassemblement national.
Le 25 juin 1983, Lise Haulbert était montée dans la DS de Georges Laugier pour aller chez le berger, puis à la gendarmerie. Elle aurait pu transporter le cheveu et le déposer, sans s’en rendre compte, dans l’habitacle. L’expert appelle dans la nuit le président de la Cour pour lui faire part de ses doutes quant à son analyse, à la lumière de ce nouvel élément. Le président en informe les avocats des deux parties, les jurés, et rend l’information publique. « Le seul élément à charge disparaissait », juge Gilbert Collard.
Le 17 janvier, à 21 h, après deux heures de délibéré, la cour rend son jugement : « Acquitté. »
Des cris de joie se font entendre dans la salle, rapportent les médias présents. À l’époque, il n’est pas possible pour les parties civiles ou les accusés d’interjeter appel d’un verdict de cour d’assises. C’est seulement en 2000, une fois la réforme Guigou appliquée, que l’appel sera permis aux accusés et aux parties civiles. George Laugier sort libre et innocent du tribunal de Digne-les-Bains.
 La piste d’une secte En juin 1993, l’enquête reprend. La cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonne un complément d’informations, visant les chefs « d’enlèvement par fraude ou par violence d’un mineur de moins de 15 ans, séquestration de personne et complicité ». La piste de l’enlèvement de Mathieu par une secte, qui avait été envisagée sans être creusée par les enquêteurs, puis évoquée par Gilbert Collard lors du procès de Georges Laugier, permet à la justice de rouvrir le dossier. L’information s’étale dans la presse et dans les JT. Philippe Haulbert, dans sa maison à Peyroules, le 14 février 2023.
Mathieu Haulbert disparu en 1983 La secte belge Ogyen Kunzang Chöling (OKC), intéresse les enquêteurs. Son fondateur, Robert Spatz, a été condamné en 2020 pour des faits d’abus sexuels sur mineurs, de prise d’otage ou encore d’emprise.
En 1974, l’organisation s’implante en France au « Château-de-soleils », dans la montagne au-dessus de Castellane. Elle y a installé un « centre d’étude », où vivent des adolescents et des enfants. « C’est une communauté où il y avait des enfants et pas forcément les parents », croit savoir Philippe Haulbert .
« C’était une piste possible parce que lorsque nous sommes arrivés dans la région, on avait prêté un motoculteur à quelqu’un de cette secte-là, et je suis allé le rechercher, donc on est allés une fois là-bas. On avait d’autres amis d’amis aussi, qui habitaient le village juste à côté, qui connaissaient Mathieu, qui nous connaissaient nous, donc ça faisait éventuellement un lien possible. » En 1997, des opérations d’envergure internationale ont lieu contre la secte. Le « Château-de-soleils » est fouillé et les enquêteurs en profitent pour opérer des vérifications quant à la disparition de Mathieu. Mais cette piste est un cul-de-sac, indique Bernard Gonzales, qui travaillera encore sur l’enquête après l’acquittement de Laugier. « Ça avait été envisagé, mais ça n’avait pas tenu l’enquête. Vous savez, quand on est dans l’inconnu, toutes les pistes envisageables sont exploitées. »
Un tueur en série ?
Depuis, l’enquête n’a jamais été close. Les enquêteurs de L’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) ont mené des actes d’enquête, sans succès. Ce début d’année 2023 marque une nouvelle étape, pour le dossier : le 21 février, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné son dessaisissement dans l’affaire au profit du pôle de Nanterre dédié aux cold cases. Nouvelle juge d’instruction, nouveau souffle pour l’enquête ?
Si les Haulbert n’ont jamais vraiment oublié la piste Laugier, ils espèrent toujours que le corps de Mathieu sera retrouvé, comprendre ce qui est arrivé à leur fils, « peu importe que le coupable soit là ou pas. »
Des questions demeurent : pourquoi Mathieu a-t-il laissé son fouet à côté de son vélo ?
Pourquoi a-t-il dit aux témoins croisés ce jour-là se rendre à un anniversaire ?
 Comptait-il vraiment rejoindre la transhumance ?
Des analyses ADN pourraient aussi être effectuées, notamment sur le vélo de l’enfant, qui fait partie des scellés conservés durant ces décennies d’enquête. Si la piste locale n’est pas oubliée, Didier Seban, avocat de la famille, souhaite également que la justice dézoome et que le dossier de Mathieu soit rapproché d’autres affaires ayant eu lieu en France. Il évoque notamment le dossier des disparus de l’Isère, qui regroupe neuf disparitions ou meurtres d’enfants survenus dans le département entre 1980 et 1996. Des dossiers désormais entre les mains du pôle de Nanterre.
En mars 1983, quelques mois avant la disparition de Mathieu, Ludovic Janvier, 6 ans, s’est volatilisé à Saint-Martin- d’Hères, commune limitrophe de Grenoble. Il n’a toujours pas été retrouvé. En juillet de la même année, Grégory Dubrulle, âgé de 7 ans, est enlevé devant chez lui à Grenoble puis laissé pour mort à Pommiers-la-Placette, a une vingtaine de kilomètre de son domicile. Son agresseur n’a jamais été authentifié. Enfin, Fabrice Ladoux, 12 ans, a été enlevé le 13 janvier 1989 entre son domicile et son collège à Grenoble, et retrouvé mort quelques jours plus tard dans le massif de la Chartreuse. Dans le cadre des investigations menées par Nanterre, le corps de l’enfant a été exhumé au début du mois de mars 2023 pour procéder à des expertises ADN et réaliser un nouvel examen médical.
 Didier Seban commente : « Il y a eu à cette période-là une série de meurtres de petits garçons, d’agressions de petits garçons en Isère, et on n’est pas si loin, géographiquement » des Alpes-de-Haute-Provence. De plus, « le logiciel Système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes (Salvac) a d’ailleurs fait un lien entre ces affaires et celle de Mathieu Haulbert ».» Des profils de criminels déjà sous les barreaux semblent particulièrement intéressants selon lui, « comme celui de Michel Peiry ». Ce tueur suisse, appelé « le sadique de Romont », a tué cinq personnes entre 1981 et 1987. Un autre homme retient particulièrement l’attention de Didier Seban : Willy Van Coppernolle. La cour d’assises du Gard a condamné cet ancien légionnaire à la prison à perpétuité en mars 1995 pour avoir enlevé et tué à Remoulins un petit garçon de 11 ans. Elle l’a également reconnu coupable du viol de deux adolescents.
 Le pôle cold cases de Nanterre retrace d’ailleurs le parcours criminel de ce dernier, pour tenter d’identifier de potentielles autres victimes. Van Coppernolle fait partie de ceux que l’ex magistrat Jacques Dallest nomme des « criminels itinérants ». Aurait-il pu se trouver dans les Alpes-de-Haute-Provence lorsque Mathieu Haulbert a disparu ?
 Didier Seban le 2 février dans son bureau à Paris 40 ans le 25 juin prochain
Le 25 juin 2023 marquera les quarante ans de la disparition de Mathieu. George Laugier est mort en février 2022. Marine et Thomas, leurs deux autres enfants nés après la disparition de Mathieu, ont grandi ici puis ont quitté Peyroules. Lise et Philippe ont pris leur retraite. Pourquoi les Haulbert n’ont-ils pas laissé derrière eux cette maison imprégnée du souvenir de Mathieu et de sa disparition ? « Et pourquoi serions-nous partis ? », interroge en retour le père. « Quand on est arrivés ici, on n’avait pas de courant, on n’avait pas l’eau, on a tout construit. Et Mathieu était là, Mathieu en a fait partie. Ici, c’est l’endroit où il a vécu et c’est l’endroit où l’on doit rester. »
Jeanne NICOLLE-ANNIC.
Disparition de Mathieu Haulbert : le dossier va être repris par le pôle « cold cases » de Nanterre (ouest-france.fr)
RÉCIT. Un voisin, un tueur en série… 40 ans après, la disparition de Mathieu Haulbert est une énigme (ouest-france.fr)

( A.1)  NOTA - Un très bon article bien documenté. Il n'y aurait que 2 ou 3 points concernant l'enquête des gendarmes à modifier ou à préciser, par exemple voici la véritable explication sur les éléments qui ont permis 4 années après la disparition de démolir l'alibi fourni à Georges LAUGIER par Christian MARECHAL :

 "( A.1.) " 
Dans un procès-verbal d'audition de témoin, n° 478 pièce 10, daté du 27 juin 1983 à 17 heures, trois jours après la disparition de Mathieu, Mme P. M. décrit plusieurs trajets d'un véhicule DS bleu conduit par un homme brun et de corpulence forte qui regardait droit devant et semblait hautain .../... Elle n'indique pas le nom du conducteur, mais ajoute  que «plus tard, elle a vu Philippe dans la DS bleue avec le même conducteur ».

 
Philippe étant le père de Mathieu, il était enfantin d'identifier le conducteur.
 
En déclarant je ne connais pas le nom du conducteur, mais en indiquant son signalement et en précisant le nom du passager, le lieu et le moment du passage du véhicule, ainsi que sa marque, c'était désigner de façon certaine celui-ci.
 
Cet élément était important, puisque Georges LAUGIER avait toujours affirmé qu'il avait passé l'après midi à jouer aux boules. Cet élément venait démolir son alibi, qui fourni par Christian MARECHAL  qui avait tenu 4 années.
 
Il est encore écrit  « Son mari est venu confirmer ses dires »
 
Le problème est ici de même nature.  Ce mari P.G. a lui aussi été entendu par le gendarme BARE Serge. le 27 juin 1983 à 16 heures 30, P.V. n° 478 pièce 9, de la brigade de CASTELLANE. Il a déclaré en substance  :
 Qu'il avait vu passer une Citroën DS bleue roulant à vive allure mais qu'il ne connaissait pas le conducteur. Il a toutefois revu l'homme le lendemain et appris qu'il s'agissait du surnommé TARZAN.   
 Il n'y avait donc aucun doute sur l'identité du conducteur concerné. Le mari confirme et complète le témoignage de son épouse".
Impossible de ne pas constater que ces auditions prises juste après la disparition en juin 1983 n'ont pas été exploitées. Elles seront remarquées lors de la saisine de la section de recherches d'AIX en PROVENCE en 1987.......Plus de 4 années perdues avec forcément déperdition des éventuelles preuves. 

 

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